13/06/2023

« La science pour et avec la société »

Rencontre avec Claire Lissalde, responsable du service audiovisuel de l’IRD, institut partenaire du film

Aide logistique sur le terrain, apports financiers, participations des chercheurs : les contributions de l’IRD aux films La fabrique des pandémies et bientôt à Vive les microbes sont plurielles et inestimables. Cet institut de recherche pour le développement a en effet à cœur de partager les savoirs qu’il produit. Responsable du service audiovisuel, Claire Lissalde nous en dit plus sur la mission de son service : ouvrir la science.

Bonjour Claire.  Je pense que peu de gens connaissent l'existence des pôles audiovisuels dans les institutions de recherche. Dites-nous : à quoi servent-ils ? Et quelles sont leurs missions ?

Claire

C'est la science pour et avec la société. Premièrement parce que les chercheurs travaillent avec les populations impliquées - essentiellement dans la zone intertropicale car c'est là que l'IRD intervient. Deuxièmement parce que nos chercheurs sont dans une certaine parité de genre, mais aussi de nationalités, c'est à dire qu’on travaille avec les chercheurs locaux et ça c’est très important pour nous.

Les chercheurs font appel à l'audiovisuel parce qu’ils ont envie de faire connaître leurs travaux : c’est de notre devoir de les accompagner dans cette démarche. Ça s'appelle le partage des savoirs et le rapport entre la science et la société.

Le service audiovisuel traduit et offre son savoir-faire, c’est-à-dire qu’on accompagne l’écriture du film, on aide à se poser les bonnes questions, de réalisation, et de production :  Pour qui ? Pourquoi ? Comment ? Quel format ? On travaille avec les chercheurs au plus près de leurs sujets. Nous travaillons avec des producteurs privés comme M2R Films pour faire connaître au plus grand nombre les missions de cet institut qui est militant.

 

     

      L’IRD en chiffres

      2 000 personnes 900 chercheurs

      => Un service audiovisuel de 9 personnes

 

Vous dites « militant » ?

Claire

Oui, militant pour les sciences ouvertes. Et puis, comme dans la Fabrique des pandémies et Vive les microbes, militant pour sauver la planète qui est en danger depuis X temps. Comptons les GIEC, les COP et tous les chercheurs de l'IRD, entre autres, qui sonnent l'alerte depuis si longtemps. Que le service audiovisuel s'allie à d'autres militant.es qui sont de la partie, je cite évidemment Marie-Monique Robin, pour alerter, c'est formidable, je tiens à le dire.

Et donc ce serait réducteur de ne donner à ce service qu’une mission de vulgarisation ?

Claire

La vulgarisation, elle va de soi si on veut sortir de l'entre soi. On a un service qui présente de magnifiques expositions tout public, on a le MAG, on a le site internet. Donc la vulgarisation, c'est une de nos missions mais pas seulement. Le service audiovisuel est inclus dans une mission de culture scientifique et je dirais même de culture. Ça veut dire traduire en français facile, mais parfois en Wolof ou dans d’autres langues : toutes les langues sont bonnes pour transmettre le message.

Vulgarisation, oui, respect aussi. On s'approprie ce que dit Marie-Monique Robin, parce qu'elle respecte la science. Ce n'est pas « chiant-tifique », c'est fort, c'est beau, accompagné de ces beaux dessins, de cette magnifique musique, d'un montage choc. À l'écoute de 62 scientifiques, elle en fait un 107 minutes. Chapeau. Pour nous, c'est tout bénéf’. Et puis il faut dire qu’on soutient ce film et en connaissance de cause. Parce que, attention, on a pris nos précautions : on se doit de valider.

A quel public exactement cherchez-vous à ouvrir la science ?

Claire

Nous ciblons des publics différents, divers, du pointu au très large public. La fabrique des pandémies est un très bon exemple. Il touche du pointu : on s’en rend compte par des demandes qui arrivent de tel chercheur qui veut exposer devant ses pairs et ses collègues à la fac de médecine, à l'Université développement/santé à Bordeaux. Le public de chercheurs, d'étudiants, ça c'est pointu. Et puis le film passe aussi en ciné-débats, où là, c'est tout public.

Et les décideurs ?

Claire

Comment atteindre les décideurs ? Par exemple à travers la diffusion de films en entrée de colloque. Ce sont des films de 8 minutes, 10 minutes qui alertent, questionnent proposent des solutions. Par exemple nous avons produit un film sur le paludisme grave, qui est souvent fatal. Et pour l’éviter, il faudrait que les gens puissent avoir un meilleur accès à l’hôpital. Problème : aller à l’hôpital, cela signifie vendre sa maison…

Jean-Yves Le Hesran, qui travaille sur cette forme grave, est là pour alerter des décideurs qui peuvent parfois être hors sol. Nous lui avons fait rencontrer un jeune cinéaste béninois Moubarakou Liadi qui est allé, accompagné de chercheurs et chercheuses en sciences sociales filmer les entretiens, recueillir les témoignages et ils ont réalisé un film , ensemble, avec ce qu'il faut comme émotion pour le proposer à l’OMS.

Dans les cas où vous suivez les chercheurs, comment faites-vous pour allier rigueur scientifique et créativité ? Comment se traduit  la collaboration au jour le jour ?

Claire

Ce qui est intéressant, c'est le binôme. Quand ça matche entre un artiste et un chercheur, c’est très beau. Parfois c’est aussi un combat.  Je prends l’exemple d’un film en vue sur les cargos à voile : le réalisateur est obligé de freiner le chercheur, qui a du mal à concevoir que dans un entretien d’une heure et demie, on ne puisse en prendre que deux minutes pour le film.

Le chercheur va à la rencontre des autres, il les laisse parler. Il pense que ses entretiens sont passionnants. Ils le sont, mais ils ne sont pas dans l'écriture cinématographique et c'est un énorme crève-cœur pour lui. Et donc le service audio-visuel, ses réalisateurs, ses accompagnateurs sont des tortionnaires. Mais ensuite, pour la plupart, quand ils voient que ça passe auprès du public et que leurs proches, leurs familles comprennent ce qu'ils font grâce au film, ils nous pardonnent.

Depuis plusieurs années, les chercheurs ont souvent ce sentiment d’avoir à passer de plus en plus de temps et d’énergie à la recherche de financements. Dans ce cadre, l’adaptation audiovisuelle de leurs travaux ne serait-elle pas un simple argument de vente ?

Claire

On vend sans être vendu ! Tenir sa place dans le paysage scientifique, obtenir des financements, c'est un travail énorme des chercheurs qui savent maintenant que cela fait partie de leurs missions. Ils font appel aux services audiovisuels pour réaliser des films qui relatent, qui font de la pub ou qui annoncent des résultats. Nous faisons alors appel à des réalisateurs prestataires, donc il y a peut-être moins de créativité et un peu plus d’efficacité. On cherche à « vendre » les projets mais aussi à « rendre des comptes ».

Mais je pense qu’à l’IRD, nous parvenons à un équilibre, nous devons veiller à le garder. On s’allie à des projets comme Vive les microbes, ou La fabrique des pandémies ou encore L’arbre qui cache la forêt pour montrer tous les domaines où nous intervenons : du film de pub au film de création, en passant par le film rassembleur. Notre clef c’est de jouer sur tous les tableaux.

Retrouvez toutes les œuvres audio et audiovisuelles à ce lien : https://multimedia.ird.fr/IRD/categories

 

Et à ces liens, la sélection de l’interviewée :

 

Le safoutier, prune des villes, prunes des champs pour une agriculture d'avenir (18min)

https://multimedia.ird.fr/IRD/media/74967

Avant que tout ne s'efface (5min)

https://multimedia.ird.fr/IRD/media/86157

Puisque c'est possible, itinéraires scientifiques en Nouvelle-Calédonie (24 min)

https://multimedia.ird.fr/IRD/media/81027

Paludisme grave (8min) version anglaise, présélectionné par l'OMS - Destiné aux décideurs et tout public

https://youtu.be/F2cuJqSWbKA

La maladie du sommeil, le combat de Prisca (6min) -Diaporama sonore

https://multimedia.ird.fr/IRD/media/75095

L'arbre qui cache la forêt, les défis de la reforestation- Teaser

https://multimedia.ird.fr/IRD/media/85829

Jakarta on the road ou l'histoire de la petite cylindrée au Sénégal (30 min) – Podcast

https://multimedia.ird.fr/IRD/media/79509 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

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Rencontre avec Claire Lissalde, responsable du service audiovisuel de l’IRD, institut partenaire du film

Aide logistique sur le terrain, apports financiers, participations des chercheurs : les contributions de l’IRD aux films La fabrique des pandémies et bientôt à Vive les microbes sont plurielles et inestimables. Cet institut de recherche pour le développement a en effet à cœur de partager les savoirs qu’il produit. Responsable du service audiovisuel, Claire Lissalde nous en dit plus sur la mission de son service : ouvrir la science.

Bonjour Claire.  Je pense que peu de gens connaissent l'existence des pôles audiovisuels dans les institutions de recherche. Dites-nous : à quoi servent-ils ? Et quelles sont leurs missions ?

Claire

C'est la science pour et avec la société. Premièrement parce que les chercheurs travaillent avec les populations impliquées - essentiellement dans la zone intertropicale car c'est là que l'IRD intervient. Deuxièmement parce que nos chercheurs sont dans une certaine parité de genre, mais aussi de nationalités, c'est à dire qu’on travaille avec les chercheurs locaux et ça c’est très important pour nous.

Les chercheurs font appel à l'audiovisuel parce qu’ils ont envie de faire connaître leurs travaux : c’est de notre devoir de les accompagner dans cette démarche. Ça s'appelle le partage des savoirs et le rapport entre la science et la société.

Le service audiovisuel traduit et offre son savoir-faire, c’est-à-dire qu’on accompagne l’écriture du film, on aide à se poser les bonnes questions, de réalisation, et de production :  Pour qui ? Pourquoi ? Comment ? Quel format ? On travaille avec les chercheurs au plus près de leurs sujets. Nous travaillons avec des producteurs privés comme M2R Films pour faire connaître au plus grand nombre les missions de cet institut qui est militant.

 

     

      L’IRD en chiffres

      2 000 personnes 900 chercheurs

      => Un service audiovisuel de 9 personnes

 

Vous dites « militant » ?

Claire

Oui, militant pour les sciences ouvertes. Et puis, comme dans la Fabrique des pandémies et Vive les microbes, militant pour sauver la planète qui est en danger depuis X temps. Comptons les GIEC, les COP et tous les chercheurs de l'IRD, entre autres, qui sonnent l'alerte depuis si longtemps. Que le service audiovisuel s'allie à d'autres militant.es qui sont de la partie, je cite évidemment Marie-Monique Robin, pour alerter, c'est formidable, je tiens à le dire.

Et donc ce serait réducteur de ne donner à ce service qu’une mission de vulgarisation ?

Claire

La vulgarisation, elle va de soi si on veut sortir de l'entre soi. On a un service qui présente de magnifiques expositions tout public, on a le MAG, on a le site internet. Donc la vulgarisation, c'est une de nos missions mais pas seulement. Le service audiovisuel est inclus dans une mission de culture scientifique et je dirais même de culture. Ça veut dire traduire en français facile, mais parfois en Wolof ou dans d’autres langues : toutes les langues sont bonnes pour transmettre le message.

Vulgarisation, oui, respect aussi. On s'approprie ce que dit Marie-Monique Robin, parce qu'elle respecte la science. Ce n'est pas « chiant-tifique », c'est fort, c'est beau, accompagné de ces beaux dessins, de cette magnifique musique, d'un montage choc. À l'écoute de 62 scientifiques, elle en fait un 107 minutes. Chapeau. Pour nous, c'est tout bénéf’. Et puis il faut dire qu’on soutient ce film et en connaissance de cause. Parce que, attention, on a pris nos précautions : on se doit de valider.

A quel public exactement cherchez-vous à ouvrir la science ?

Claire

Nous ciblons des publics différents, divers, du pointu au très large public. La fabrique des pandémies est un très bon exemple. Il touche du pointu : on s’en rend compte par des demandes qui arrivent de tel chercheur qui veut exposer devant ses pairs et ses collègues à la fac de médecine, à l'Université développement/santé à Bordeaux. Le public de chercheurs, d'étudiants, ça c'est pointu. Et puis le film passe aussi en ciné-débats, où là, c'est tout public.

Et les décideurs ?

Claire

Comment atteindre les décideurs ? Par exemple à travers la diffusion de films en entrée de colloque. Ce sont des films de 8 minutes, 10 minutes qui alertent, questionnent proposent des solutions. Par exemple nous avons produit un film sur le paludisme grave, qui est souvent fatal. Et pour l’éviter, il faudrait que les gens puissent avoir un meilleur accès à l’hôpital. Problème : aller à l’hôpital, cela signifie vendre sa maison…

Jean-Yves Le Hesran, qui travaille sur cette forme grave, est là pour alerter des décideurs qui peuvent parfois être hors sol. Nous lui avons fait rencontrer un jeune cinéaste béninois Moubarakou Liadi qui est allé, accompagné de chercheurs et chercheuses en sciences sociales filmer les entretiens, recueillir les témoignages et ils ont réalisé un film , ensemble, avec ce qu'il faut comme émotion pour le proposer à l’OMS.

Dans les cas où vous suivez les chercheurs, comment faites-vous pour allier rigueur scientifique et créativité ? Comment se traduit  la collaboration au jour le jour ?

Claire

Ce qui est intéressant, c'est le binôme. Quand ça matche entre un artiste et un chercheur, c’est très beau. Parfois c’est aussi un combat.  Je prends l’exemple d’un film en vue sur les cargos à voile : le réalisateur est obligé de freiner le chercheur, qui a du mal à concevoir que dans un entretien d’une heure et demie, on ne puisse en prendre que deux minutes pour le film.

Le chercheur va à la rencontre des autres, il les laisse parler. Il pense que ses entretiens sont passionnants. Ils le sont, mais ils ne sont pas dans l'écriture cinématographique et c'est un énorme crève-cœur pour lui. Et donc le service audio-visuel, ses réalisateurs, ses accompagnateurs sont des tortionnaires. Mais ensuite, pour la plupart, quand ils voient que ça passe auprès du public et que leurs proches, leurs familles comprennent ce qu'ils font grâce au film, ils nous pardonnent.

Depuis plusieurs années, les chercheurs ont souvent ce sentiment d’avoir à passer de plus en plus de temps et d’énergie à la recherche de financements. Dans ce cadre, l’adaptation audiovisuelle de leurs travaux ne serait-elle pas un simple argument de vente ?

Claire

On vend sans être vendu ! Tenir sa place dans le paysage scientifique, obtenir des financements, c'est un travail énorme des chercheurs qui savent maintenant que cela fait partie de leurs missions. Ils font appel aux services audiovisuels pour réaliser des films qui relatent, qui font de la pub ou qui annoncent des résultats. Nous faisons alors appel à des réalisateurs prestataires, donc il y a peut-être moins de créativité et un peu plus d’efficacité. On cherche à « vendre » les projets mais aussi à « rendre des comptes ».

Mais je pense qu’à l’IRD, nous parvenons à un équilibre, nous devons veiller à le garder. On s’allie à des projets comme Vive les microbes, ou La fabrique des pandémies ou encore L’arbre qui cache la forêt pour montrer tous les domaines où nous intervenons : du film de pub au film de création, en passant par le film rassembleur. Notre clef c’est de jouer sur tous les tableaux.

Retrouvez toutes les œuvres audio et audiovisuelles à ce lien : https://multimedia.ird.fr/IRD/categories

 

Et à ces liens, la sélection de l’interviewée :

 

Le safoutier, prune des villes, prunes des champs pour une agriculture d'avenir (18min)

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Avant que tout ne s'efface (5min)

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Puisque c'est possible, itinéraires scientifiques en Nouvelle-Calédonie (24 min)

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Paludisme grave (8min) version anglaise, présélectionné par l'OMS - Destiné aux décideurs et tout public

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La maladie du sommeil, le combat de Prisca (6min) -Diaporama sonore

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L'arbre qui cache la forêt, les défis de la reforestation- Teaser

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Jakarta on the road ou l'histoire de la petite cylindrée au Sénégal (30 min) – Podcast

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