Mobiliser la société civile aux enjeux de la biodiversité

L'Office français de la biodiversité (OFB), établissement public dédié à la protection et la restauration de la biodiversité sous la double tutelle du Ministère de la Transition écologique et du Ministère de l'Agriculture et de l'alimentation, est devenu un partenaire essentiel de notre projet. Intéressé au plus haut point par l’objet de notre film qu'il soutient financièrement, l’OFB a souhaité aller plus loin en développant, à nos côtés et en partenariat avec l’Éducation Nationale, des outils pédagogiques à l’attention du corps enseignant.

Entretien avec Christophe Aubel, directeur général délégué – Mobilisation de la société de l’OFB.

M2R : Quel est le défi de la sauvegarde de la biodiversité ?

Christophe AUBEL : Il est important de se rappeler que la biodiversité est l’ensemble du vivant, humain compris. Il ne faut cependant pas voir la biodiversité comme un catalogue d’espèces les unes à côté des autres mais bien comme un ensemble d’espèces en interaction les unes avec les autres. Ce qui implique que nous (sociétés humaines) impactons la diversité tout autant que nous avons besoin d’elle. Il n’y a pas d’avenir serein pour les sociétés humaines sans un avenir serein pour la biodiversité. Si celle-ci ne fonctionne pas bien, clairement les sociétés humaines ne pourront pas aller bien car elles en dépendent tous les jours. Un exemple simple qu’on a tendance à oublier : il faut se rappeler que sans biodiversité, l’oxygène que l’on respire quotidiennement n’existerait pas. On sait qu’à tous les niveaux et depuis toujours, les sociétés humaines ont construit leur bien être sur les services rendus par la nature.

L’enjeu est là : nous savons que la biodiversité ne va pas bien et qu’il est donc nécessaire d’agir. Je voudrais ajouter qu’il est encore possible d’agir, à condition de réaliser ce que l’IPBES (la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), c’est-à-dire le GIEC de la biodiversité, nous recommande : engager les changements transformateurs, c’est-à-dire des changements systémiques profonds de systèmes d’utilisations des sols, d’exploitations des ressources économiques, et de valeurs et de représentations. Nous en parlerons peut-être à l’occasion de la sortie du film pour réussir une fois encore à faire face aux enjeux.

M2R : Quel est concrètement le rôle de l’OFB ?

Christophe AUBEL : ce constat et cette façon de voir les choses conduit l’action de l’OFB. Depuis plus de deux ans maintenant, l’OFB est tout entier dédié à la préservation de la biodiversité, menant des actions sur l’ensemble des leviers possibles. Nous soutenons des programmes de recherche, nous animons des sites internet, des systèmes d’information sur la biodiversité, nous accompagnons des acteurs tels que des collectivités territoriales ou des entreprises à s’engager elles-aussi, d’autres partenaires tels que des ONG ou le monde agricole par exemple. Nous avons aussi des inspecteurs de l’environnement, la police de la nature qui fait respecter la réglementation. De la connaissance à la police en passant par la mobilisation des acteurs et la sensibilisation des publics, nous couvrons l’ensemble des leviers possibles avec 2800 collaborateurs répartis sur tout le territoire français au sein des directions nationales, régionales ou des services départementaux.

M2R : La biodiversité est un enjeu international. Quelles sont vos relations avec le reste de la planète ?

Christophe AUBEL : Il faut rappeler que nous sommes un établissement public, recevant l’appui des politiques publiques. Concernant l’international, nous venons surtout en appui de ce qu’engage la France, par exemple dans le cadre des négociations sur la future COP (15) biodiversité qui doit se tenir cette année et qui donnera le cadre mondial pour les dix ans à venir. Il est question pour nous d’agir pour que ce cadre soit le plus ambitieux possible. Dans quelques jours, nous serons au Forum de l’eau à Dakar pour parler du lien qui existe entre climat et biodiversité en matière d’adaptation, s’appuyant sur la nature.

Certes la biodiversité est un enjeu planétaire et - avec des variations -, elle ne se porte pas bien globalement. Cependant, et c’est un atout et une chance considérables contrairement au dérèglement climatique, si on fait des efforts en agissant localement, nous obtenons des résultats qui se voient. Pour illustrer cela, si  vous êtes une commune exemplaire au niveau de vos rejets de gaz à effets de serre, cela ne va malheureusement rien changer à votre climat car celui-ci dépend également de ce qu’il se passe ailleurs. En matière de biodiversité, si vous arrêtez les pesticides, si vous mettez en place une gestion différentiée, si vous renaturez une rivière par exemple, vous voyez la biodiversité revenir. Ça c’est intéressant. La célèbre formule sur l’écologie « Penser global, agir local » marche très bien pour la biodiversité. Il faut changer les choses pour agir favorablement par rapport à la biodiversité. L’OFB est dédié à cela.

M2R : Qu’est-ce qui vous a motivé dans notre partenariat ?

Christophe AUBEL : On sait que les perturbations que l’on fait subir aux écosystèmes sont favorables à l’émergence de maladies comme la COVID-19 qui nous est arrivée récemment et qui nous a tous impactés. Même si nous n’avons pas d’histoire complète sur sa provenance, on sait que ce type de maladies peut émerger parce qu’on a perturbé les écosystèmes. C’est l’objet du film qui en parle très bien. Nous avons un rôle de défense de la biodiversité, mais pour cela il faut la porter, partager les enjeux. Un film qui porte cette parole avec une réalisatrice dont on connaît les compétences, les qualités justement sur ces aspects de pédagogie, de partage des enjeux, ne pouvait que nous attirer et nous sommes heureux de pouvoir lui apporter notre soutien financier pour qu’il puisse exister. Nous attendons son succès, nous espérons que nombreux seront les gens qui le verront et à tous les niveaux afin que tous prennent conscience des interdépendances dont nous parlions. Je suis depuis longtemps sur ces sujets et je vois bien que le public a bougé, que la biodiversité monte dans l’opinion publique. Les sondages le montrent, 80% des Français se disent inquiets ou en tout cas concernés par la biodiversité, et c’est nouveau. En même temps, une fois que l’on a dit cela, je pense que la société n’a pas encore complétement intégré ce que cela signifie en termes de changements qu’il faut accomplir. Il y aura dans ce documentaire un panel de ce que les scientifiques nous disent parfois depuis longtemps. Si le plus grand nombre peut le voir, l’entendre, se l’approprier, c’est parfait ! On sait qu’autour de ces films, se passent toujours des dynamiques sociétales. Des projections sont organisées, ils passent à la télévision, mais d’autres choses se passeront ensuite.

M2R : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre projet à destination des élèves et étudiants?

Christophe AUBEL : En plus d’accompagner la sortie du film de Marie-Monique Robin, nous avons partagé l’idée conjointe avec l’équipe de M2R Films, de proposer une plate-forme de ressources  pédagogiques sur les thématiques du documentaire qui sera à disposition des enseignants pour les élèves. L’idée est de leur fournir dès septembre 2022, des outils à partager en classe de façon pédagogique  et éducative. Ce site conçu comme un lieu de recherche où l’on pose des questions permettra de trouver des réponses, en avançant progressivement. C’est extrêmement important pour nous d’aller vers les jeunes et les scolaires.  L’Education Nationale que nous avons sollicitée a de suite été partante pour réaliser ce beau projet à nos côtés. 

Retrouvez sur le site de l'OFB, toutes les informations sur les actions de l'OFB auprès de la société civile: https://www.ofb.gouv.fr/mobilisation-de-la-societe-et-appui-aux-acteurs