28/08/2020

Serge Morand, libre chercheur

Vous aurez sans doute rencontré son nom dans les textes de présentation de La Fabrique des Pandémies, mais je parie que peu d’entre vous le connaissent : rares sont les chercheurs en biologie qui font parler d’eux en dehors de leur domaine – et ceux qui le font ne doivent pas toujours leur rayonnement à leur travail !

Des parasites aux humains

« Quand j’étais gamin, je voulais être explorateur. Mais au collège, j’ai été découragé par ma professeur de sciences naturelles qui m’a dit que ça ne servait à rien parce que tout avait déjà été exploré ! », m’a raconté le chercheur du CNRS et du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement)  qui vit en Thaïlande depuis huit ans. Une déception qui n’a heureusement pas coupé son appétit de découvertes : quelques années plus tard, le voici spécialisé dans l’étude des parasites. Il s’intéresse tour à tour à ceux qui vivent aux dépens des escargots, des poissons ou des rongeurs, et aurait pu y consacrer toute sa carrière, puisque les parasites représentent plus de la moitié des êtres vivants sur terre !

Dans le cadre bien défini de la parasitologie, les humains sont alors le dernier de ses soucis : ce n’est qu’au fil de ses terrains que s’impose le lien entre les milieux vivants et les hommes qui les habitent. Car comment comprendre les éco-systèmes sans tenir compte des activités humaines qui les modifient ou au contraire les entretiennent… ni de ces mêmes humains qui, à leur tour, sont affectés par les maladies que les animaux transportent ? Les contours de ce qui occupera désormais l’esprit de Serge Morand se dessinent : cette discipline nouvelle, qu’il contribue à construire, c’est « l’écologie de la santé ». Pour comprendre l’impact des facteurs environnementaux sur l’émergence et la circulation d’agents pathogènes, et donc sur la santé humaine, il va piocher dans différentes boîtes à outils scientifiques : la génétique, l’épidémiologie et la géographie, en passant par l’anthropologie. Autant dire que l’ancien aspirant explorateur prend pied sur une vaste terra incognita.

Pour sortir du laboratoire

Parce qu’il y a des statistiques qui traitent les scientifiques comme eux-mêmes traitent les rats de laboratoire, Serge sait que son score de citation dans les revues spécialisées le classe 37518ème parmi les chercheurs recensés en biologie (Plos Biology 2019), un nombre biscornu qu’il récite en riant, mais qui le place tout de même parmi les premiers 5%. C’est la preuve de l’intérêt que soulève « l’écologie de la santé »… dans les milieux de recherche – car au-delà, et malgré de multiples tentatives en direction du grand public ou des cercles politiques, le sujet reste largement méconnu. En sera-t-il différemment après la crise sanitaire provoquée par la Covid-19 ? C’est ce qu’on peut espérer, après les multiples sollicitations médiatiques qui se sont manifestées notamment pendant la période de confinement. Pour installer solidement le débat, Serge Morand publie en septembre L’Homme, l’Animal et la Peste (Éditions Fayard), et contribue bien sûr à mon livre La Fabrique des Pandémies (La Découverte), dont il signe les encadrés et la préface. Celle-ci prendra la forme d’un appel collectif des scientifiques, dont le constat est limpide : la destruction de la biodiversité, propulsée par les activités humaines, favorise le développement d’épidémies comme celle qui a marqué l’année en cours. Or, tant que les conditions qui ont rendu celle-ci possible ne seront pas modifiées, on ne s’attaquera pas au cœur du problème, qui n’est pas l’apparition d’une maladie ponctuelle ou d’une autre, mais bien la recrudescence de ce type de phénomène depuis au moins vingt ans. D’où l’urgence de se mobiliser dès aujourd’hui.

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En éclaireur

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Vous aurez sans doute rencontré son nom dans les textes de présentation de La Fabrique des Pandémies, mais je parie que peu d’entre vous le connaissent : rares sont les chercheurs en biologie qui font parler d’eux en dehors de leur domaine – et ceux qui le font ne doivent pas toujours leur rayonnement à leur travail !

Des parasites aux humains

« Quand j’étais gamin, je voulais être explorateur. Mais au collège, j’ai été découragé par ma professeur de sciences naturelles qui m’a dit que ça ne servait à rien parce que tout avait déjà été exploré ! », m’a raconté le chercheur du CNRS et du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement)  qui vit en Thaïlande depuis huit ans. Une déception qui n’a heureusement pas coupé son appétit de découvertes : quelques années plus tard, le voici spécialisé dans l’étude des parasites. Il s’intéresse tour à tour à ceux qui vivent aux dépens des escargots, des poissons ou des rongeurs, et aurait pu y consacrer toute sa carrière, puisque les parasites représentent plus de la moitié des êtres vivants sur terre !

Dans le cadre bien défini de la parasitologie, les humains sont alors le dernier de ses soucis : ce n’est qu’au fil de ses terrains que s’impose le lien entre les milieux vivants et les hommes qui les habitent. Car comment comprendre les éco-systèmes sans tenir compte des activités humaines qui les modifient ou au contraire les entretiennent… ni de ces mêmes humains qui, à leur tour, sont affectés par les maladies que les animaux transportent ? Les contours de ce qui occupera désormais l’esprit de Serge Morand se dessinent : cette discipline nouvelle, qu’il contribue à construire, c’est « l’écologie de la santé ». Pour comprendre l’impact des facteurs environnementaux sur l’émergence et la circulation d’agents pathogènes, et donc sur la santé humaine, il va piocher dans différentes boîtes à outils scientifiques : la génétique, l’épidémiologie et la géographie, en passant par l’anthropologie. Autant dire que l’ancien aspirant explorateur prend pied sur une vaste terra incognita.

Pour sortir du laboratoire

Parce qu’il y a des statistiques qui traitent les scientifiques comme eux-mêmes traitent les rats de laboratoire, Serge sait que son score de citation dans les revues spécialisées le classe 37518ème parmi les chercheurs recensés en biologie (Plos Biology 2019), un nombre biscornu qu’il récite en riant, mais qui le place tout de même parmi les premiers 5%. C’est la preuve de l’intérêt que soulève « l’écologie de la santé »… dans les milieux de recherche – car au-delà, et malgré de multiples tentatives en direction du grand public ou des cercles politiques, le sujet reste largement méconnu. En sera-t-il différemment après la crise sanitaire provoquée par la Covid-19 ? C’est ce qu’on peut espérer, après les multiples sollicitations médiatiques qui se sont manifestées notamment pendant la période de confinement. Pour installer solidement le débat, Serge Morand publie en septembre L’Homme, l’Animal et la Peste (Éditions Fayard), et contribue bien sûr à mon livre La Fabrique des Pandémies (La Découverte), dont il signe les encadrés et la préface. Celle-ci prendra la forme d’un appel collectif des scientifiques, dont le constat est limpide : la destruction de la biodiversité, propulsée par les activités humaines, favorise le développement d’épidémies comme celle qui a marqué l’année en cours. Or, tant que les conditions qui ont rendu celle-ci possible ne seront pas modifiées, on ne s’attaquera pas au cœur du problème, qui n’est pas l’apparition d’une maladie ponctuelle ou d’une autre, mais bien la recrudescence de ce type de phénomène depuis au moins vingt ans. D’où l’urgence de se mobiliser dès aujourd’hui.

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